ENTRETIEN AVEC JACQUES MARTEL
http://www.virtuhall.com/PARTIE II : L'Auteur
La guerre de l'hydre et le sacrifice du guerrier sont les premiers maillons d'une chaine se voulant être à terme un grande cycle de fantasy.
À ce titre, avez-vous déjà trouvé un nom qui pourrait être donné à ce cycle de romans ?
J’avoue que non. J’y pense de temps à autre, mais je n’ai rien trouvé qui «sonne » juste. Le nom du Hardi Visiteur fera partie du titre, mais c’est la seul chose dont je sois sûr, et encore...
Que peuvent attendre vos fans de votre prochain livre concernant cet univers ?
Pouvons-nous espérer revoir Mahesha prochainement... ?
Le prochain roman présentera le Guerrier Rieur, décidé à franchir les mers et les brumes - chose impossible dans l’esprit des gens du monde connu - afin de rejoindre d’autres terres, en compagnie du Subtil Maraudeur. Il entreprend cela pour Paläka Melzï, la Gardienne Indomptée selon les poètes, reine déchue et brisée dont il est éperdument amoureux.
Quand à Mahesha le Favorable, il est certain que nous le retrouverons dans le récit qui décrira son combat aux côtés du Prince Rimeur, de la Reine Vierge et du Roi Solitaire, face aux armées de l’Empire Amer, mais quand ? Tout cela demande du temps...
Outre David Gemmell, quels auteurs du passé ou contemporain vous ont influencé et inspiré dans cette entreprise ?
Je ne peux vraiment dire que David Gemmell m’ait inspiré, du moins pas consciemment ; je ne me suis pas dit, je vais faire comme Gemmell, ou comme untel. Je pense que les l’influences sont plus ou moins inconscientes, provenant de tous ce que j’ai a pu lire dans ma vie, que j’ai aimé, quel que soit le genre littéraire. Une dont je suis sûr, est le ton épique, flamboyant, avec des héros plus grands que nature, de Salammbô de Flaubert.
La Brume qui cerne le monde, que les hommes repoussent au fur et à mesure de leur expansion, est par contre un élément directement venu d’une lecture : une image tirée la courte nouvelle de Earl Aubec, de Mickaël Moorcok, qui m’a marqué à sa première lecture, et ne m’a jamais quitté depuis.
En ce qui concerne l’ambiance générale, le ressenti des personnages et leurs sentiments, je m’inspire surtout de textes anciens, de chroniques du moyen ou de l’antiquité, afin de trouver une « touche » que j’espère vraie, qui sera cohérente avec l’univers. J’essaie de faire en sorte que mes personnages ne voient pas et ne jugent pas les événements, les héros, les guerriers, ou les grands personnages, ou les petits, comme nous le faisons avec notre culture et nos règles sociales, mais comme le feraient des contemporains.
Dans la forme narrative comme dans le fond, de quel écrivain vous sentez vous finalement le plus proche ?
Aucune idée. C’est aux lecteurs de le dire. Pourquoi pas une question sur votre forum ? La réponse m’intéresserait.
Qui correspondrait à vos yeux votre référence ultime en matière d'écriture fantasy ?
Je ne pense pas qu’il y ait de référence « ultime ». Il y a tant de diversité dans ce domaine, avec des styles et des auteurs différents, que rien n’est comparable.
Je peux par contre vous citer les œuvres qui m’ont marquées, que je conseille.
Dans les anciens : l’Iliade et l’Odyssée, d’Homère.
Le Métamorphoses, d’Ovide. L’Ane d’Or, d’Apulée. Le Livre des Merveilles, de Marco Polo, qui n’est pas un roman, mais sa vison du monde est presque « fantasy ». Salammbô, de Flaubert.
Dans les contemporains, autres que Gemmell dont nous avons déjà parlé : Conan, Solomon Kane, et beaucoup de nouvelles « moyenâgeuses » de RE Howard, surtout dans la nouvelle édition de Bragelonne. Le Cycle des Epées de Lieber. Tout Jack Vance en fantasy. Moorcock des premiers Elric, du Chien de Guerre et de Mother London. Espoir de Cerf, d’Orson Scott Card. Les Dits De La Terre Plate de Tanith Lee. Terremer, La Vallée de l’Eternel Retour, d’Ursula Le Guin. La Compagnie Noire, de Glenn Cook. Le Trône de Fer, de George RR Martin.
Dans les très récents : La Geste des Six Royaumes, d’Adrien Thomas, que j’ai commencé récemment ; une pléthore de personnages immédiatement attachants, aux dialogues savoureux, avec une écriture « fragmentée » parfaitement maîtrisée, qui vous accroche. Le Cycle de Tire d’Aile, de Philippe Tessier, avec un ton, des personnages et un univers uniques, dans lequel chacun des éléments du monde est un être conscient - le soleil un phénix - et le héro un pantin animé par un sorcier.
J’ai dû en oublier, mais c’est ce qui me vient à l’esprit spontanément, en restant dans le domaine de la fantasy.
Il faut également garder à l’esprit que je ne peux citer que ceux que j’ai lus. Je suis certainement passé à côté de bijoux que d’autres citeront. C’est ce qui fait l’intérêt et la richesse des échanges : découvrir de nouvelles choses.
BLOODY MARIE est une œuvre de science-fiction, quelle place donnerez vous à ce genre de littérature par la suite dans votre carrière ?
La même place que celle qu’aura le monde du Hardi Visiteur, avec le même principe.
Je travaille en ce moment sur un roman dans le même univers, se passant quelques années plus tard, avec comme personnage principal, l’un des secondaires de Bloody Marie : Tatïana des Sphères.
J’ai également un roman sur un thème fantastique actuellement en lecture chez nos amis éditeurs. Je ne me sens pas enfermé dans un genre spécifique ; lorsqu’une idée de personnage me vient, s’il me semble assez consistant pour en faire un roman, je m’y attaque, quel que soit l’univers dans lequel ce personnage évoluera.
À ce titre, si vous avez le choix entre un bon livre de fantasy antique et un bon livre de science-fiction, quel serait votre premier choix de lecture ?
Je ne fais pas de préférence, ce sera le premier acheté, ou le plus petit format si je dois voyager et le glisser dans ma poche, mais pas le genre.
Et ils seront en « concurrence » avec des textes d’autres genres.
Avant de commencer l'écriture de la Guerre de l'Hydre, pouvez-vous indiquer les différentes phases de votre travail préparatoire ?
Comme pour mes autres romans, j’avais au départ les personnages principaux, la situation, et la fin.
Ensuite, je n’ai pas vraiment fait de travail préparatoire. Les travaux de recherche, les étapes de création et d’affinement du monde se font au fur et à mesure. Si un personnage, issu d’une partie du monde, pense et agit comme il le fait, c’est que c’est en accord, ou en opposition, à sa culture et son éducation, d’où découle une des caractéristiques de cette culture. Alors, en essayant de rendre cette culture cohérente, des points apparaissent, qui à leur tour, vont jouer sur la façon d’être et de penser du personnage.
J’effectue le même travail sur les relations entre les états et les nations, avec les relations commerciales, les échanges ou les conflits. Ceci mène à des travaux de recherche sur les modes de vie ou civilisations passées, au fur et à mesure de la construction du roman. C’est une sorte de boucle permanente pour arriver (j’espère) à créer un univers dans lequel les personnages sont humains, avec des sentiments et des réactions crédibles.
Selon vous, en phase d'écriture, quelle est la partie qui vous pose généralement le plus de difficultés ?
Pas la partie, toutes les parties ! Je plaisante, mais à peine. Il n’y a pas de généralité ; suivant les romans, les choses sont différentes, mais en général, il me faut beaucoup de temps, de modifications, de relectures, pour me dire : là, c’est bon ! et être content de moi.
Julien Delval a réalisé les magnifiques illustrations de trois de vos romans, quel a été votre éventuelle participation à leur conception ?
Ma participation à l’élaboration des couvertures a été très réduite, puisqu’elle s’est bornée aux descriptions des personnages que l’on trouve dans le roman. Mais lorsque j’ai reçu le dessin du premier tome de Sacrifice du Guerrier, qui présente le personnage du Roi Solitaire, je me suis dis : waouh ! Ce n’est pas possible, c’est lui ! La tête baissée, l’air triste que l’on perçoit... Julien a dû le rencontrer en personne.
Vos talents d'illustrateur numérique peuvent-ils nous laisser supposer qu'un jour vous aimeriez réaliser la couverture de l'un de vos romans ?
J’aimerais, mais il faut être réaliste. J’ai essayé dans mon coin, pour me rendre compte que je n’ai ni le talent d’un Delval, d’un Brion, ou d’un Sorel, pour ne citer que les illustrateurs Mnemos. L’illustration est un vrai métier, qui demande des connaissances, une vision, et une « main » que je ne possède pas. Mes textes sont bien mieux en mis valeur et présentés par Julien que je ne saurais le faire moi-même.
Quelles ont été vos principales difficultés pour faire éditer votre premier roman ?
J’ai eu la chance de ne rencontrer aucune difficulté. Enfin, rien que je considère comme une difficulté. Après avoir fini d’écrire la première partie de Sacrifice du Guerrier, je l’ai envoyée à une vingtaine de maisons d’édition, Mnemos en premier, et ai entamé directement la rédaction de la seconde partie (si on n’y croit pas, ce n’est pas la peine de commencer, me disais-je).
Pendant une année j’ai reçu des réponses négatives, et enfin, bons derniers, Mnemos m’a répondu positivement. Donc, pas vraiment de difficulté, juste de la patience, et la chance d’être tombé sur la bonne personne, au bon moment, sensible au texte que j’avais soumis. Je vous avoue que j’en ai fait quelques bonds sur place, après avoir raccroché le téléphone, en criant Ouais ! Ouais !! Ouaaaaaaiiiiiiiis !!!
Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes écrivains à ce sujet ?
Travailler, retravailler, et travailler encore son manuscrit jusqu’à ce que vous vous disiez « là, je suis au bout », et que vous soyez sincèrement persuadé que vous ne pouvez plus faire mieux. (Vous verrez ensuite que l’éditeur et ses infatigables et acharnés Coraleurs vous montreront que vous pouviez encore faire mieux.)
Ne vous découragez pas, acharnez-vous, ne vous rendez jamais.
Note : le Coraleur est une sorte d’hybride entre le correcteur et le tortionnaire, qui s’évertue sans relâche à extirper de vous tout ce qui peut parfaire le texte.
Dernière question : Existe-t-il des manuscrits dont vous n'avez jamais pu obtenir l'édition ?
Là encore, par chance, je peux répondre non.
Jacques Martel
Par Laurent Marv (pour le compte de David Gemmell Universe Forum)
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