Avec toujours cette grande disponibilité pour ses fans, "Alexe" la talentueuse dessinatrice de la bande dessinée "Lancelot", a accepté que je vous publie ce petit échange que j'ai eu avec elle et que je trouve particulièrement intéressant.
LOLOCK:
Bonjour,
Si tu avais la possibilité de pouvoir concevoir et éditer la BD de tes reves, quelle histoire nous raconterai tu ?
Alexe :
Alors vraiment, sans langue de bois, je ne crois pas qu'il y ait de "BD idéal"... Par contre il y a des récits, je pense, qui correspondent a une envie, une attente, un besoin pour l'auteur, comme pour le lecteur... Ensuite j'espère être amenée un jour à tout faire moi même... Et j'irai trifouiller les bas-fonds de notre subconscient dans un délire vintage/SF/thriller/polar/noiricissime et je le ferai, je l'ai en tête depuis 20ans.... Ça mûrit
Ça te va comme réponse ?
LOLOCK :
Ce qui est très intéressant dans ta réflexion c'est que tu commensses ta réponse par une négation qui laisse supposer que tu ne te pose pas ce type de problématique. Puis tu exposes ce projet muri de près de 20 années sur lequel tu sembles avoir une idée assez précise. Qu'entends-tu par "les bas fonds de notre subconscient", fais-tu référence à notre animalité ou à quelque chose de plus baroque? Existe-t-il des planches sur ce projet qui pour le coup attise ma curiosité ?
Alexe :
Non il n'existe rien... Ça reste encore dans ma tête, assez flou, et très précis sur certains points.
La négation vient simplement du fait que je pense qu'une fois que j'aurai réalisé cette histoire, une autre pointra le bout de son nez. Je n'aime pas trop les règles, les choses figées , j'aime l'evolution et le mouvement perpétuel... "J!aime déborder des cases".... Quand a travailler sur le sub et l'inconscient, ça aborde obligatoirement les deux : lyrisme baroque/animalité et tout ça sous fond de psychiatrie degeu. Dans mon travail, et même dans Lancelot, c'est la nature humaine que j'aime étudier , mettre en scène, même dans les aspects les plus borderline... Et surtout au travers de ces aspects là. J'aime regarder les choses en face.... On va dire ça comme ça
LOLOCK :
Dans la série Lancelot l'ambiguïté sexuelle du personnage principal semble le définir finalement comme un être asexué. Etonnament sa part de féminité refoulée semble l'attirer autant qu'il la rejette. Et pourtant Il en ressort une personnalité souffrant plus de schizophrénie que qu'homosexualité.
Dans ce sens, j'ai le sentiment qu'à mesure qu'il s'abandonne à la passion, ce refuge féminin apparaît comme un cocon le préservant de la culpabilité, seul état lui permettant de s'abandonner totalement sans en nourrir de culpabilité.
Dans Lancelot, les rôles féminins semblent particulièrement sujets à l'abandon de soi, et à l'instar d'Ève caractérisent les faiblesses de l'Homme.
Dans ce sens c'est une vision assez chrétienne du mythe, est-ce voulu ? (derniere question Smile) et merci pour tes réponses
Alexe :
Je suis toute à fait d'accord concernant l'aspect schizophrénique plus que celle sur l'homosexualité. Lancelot n'est pas un livre sur l'homosexualité mais sur le conditionnement, le sort, le destin et la lutte pour ou contre celui-ci. C'est tramé un peu comme une tragédie grecque.
Concernant ton analyse sur les femmes et l'abandon de soi, là je ne suis pas d'accord et encore moins sur celui avec la culture judéo chrétienne... Au contraire. On en reparlera au 4ème tome. Les femmes ont une place majeure dans cette histoire et non pas comme des être qui subissent mais bien au contraire. Tu verras que ce qu'est Lancelot, son utilité se révélera bien plus en tant que femme qu'en tant qu'homme. Il n'y a par contre aucune revendication au travers du récit, tout est abordé sur un même pied d'égalité. Lancelot parle du jeu de l'amour, du destin... Perso, depuis le début j'ai Phaedre/Oedipe en esprit...
Alexe :
Enfin, non Lancelot est véritablement perçu comme un être sexué, dans une approche asexuée par contraintes... Ce personnage n'aura jamais la vie qu'il aurait pu avoir, ne vie pas ce qu'il pourrait vivre, en tant que femme, et finalement même en tant qu'homme, il est le martyr, le "prétexte à", un pion dans une histoire, comme tous les autres... c'est une vision bien plus cynique finalement.... Car le plus important, c'est le mythe, c'est ça qui fait que nous sommes là à en parler. Et le mythe survit toujours aux vérités... quel qu’elles soient.
LOLOCK :
Merci pour toutes ces précisions et le temps que tu as consacré à me répondre
23/03/2013