Critique de Farmace Rhaiden du 17/02/2014
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=690287727690542&l=3f512a97cdBonjour à tous ! Il y a une éternité que je n’ai pas écrit pour Avalon Fantasy et je viens ici réparer ce grave manquement.
Tout au long de l’année dernière j’ai presque exclusivement lu des romans de la Black Library, et ceux qui ont lu mes précédentes critiques savent que dans ces livres, il y a à boire et à manger. Néanmoins, soucieux de ne pas me limiter à un unique registre j’ai décidé de lire un peu autre chose pour m’aérer l’esprit. Ceux qui ont lu ma plus récente critique sur le premier tome des Chroniques de Nightshade savent que le choc a été assez violent tant ce livre s’est avéré être un désastre. Mais quand je suis tombé sur la couverture de Détruire Carthage de David Gibbins, j’ai eu un regain d’espoir. Portant la licence des excellents jeux vidéo « Total War », écrit par un professeur d’université (donc à priori, pas un pignouf qui va truffer son roman d’erreurs historiques, ce qui me tient à cœur), je me suis dit qu’on avait là un excellent cocktail pour me redonner la pêche tout en me sortant du 41ème millénaire et de son si sombre Imperium.
Et bien force est de constater que jusqu’à présent je n’ai pas beaucoup de chance, sur ce, critiquons mes bons !
En tout premier lieu, je précise que jamais je ne me permettrais de critiquer ce livre sur le plan historique ; je ne suis pas historien et je n’ai pas les connaissances pour me permettre de soulever une inexactitude ou plus simplement une erreur ; malgré tout, j’affirme que l’histoire est passée au prisme d’une incontestable partialité, et que plusieurs omissions, volontaires ou non, ont été commises. Ceci étant dit résumons l’histoire :
Après la seconde guerre punique opposant la puissance de Rome à celle de sa rivale de toujours, Carthage, nous suivons Scipion Emilien, petit fils adoptif de Scipion l’Africain, vainqueur de la précédente guerre et héros de Rome. Le jeune homme, formé dans une académie militaire avec d’autres jeunes gens destinés à devenir les futurs généraux de Rome (ou alliés de Rome), nous est présenté comme très volontaire, peu friand de politique et des intrigues du Sénat. Le sénat (très) souvent décrit comme étant un lieu sclérosant empli de procéduriers à outrance passant leur temps à tergiverser plutôt que d’oser prendre de réelles et concrètes décisions. Participant à un conflit contre le roi de Macédoine, puis continuant ses études de la stratégie, Scipion Emilien se révèle des années plus tard être un homme apte à commander mais blasé de la politique de sa cité, sans armée pour le suivre et
sans conflit pour s’affirmer. S’abimant dans la chasse et les discussions stériles nous répétant et répétant encore que « Rome devrait avoir une armée de métier mais les sénateurs ont peur que cela engendre de trop puissants généraux qui deviendraient dictateurs et du coup ils ne font rien et pendant ce temps Carthage prospère » le héros finit après une tentative d’assassinat venant d’un rival romain, par reprendre sa vie en main, et retourne à Rome. Profitant d’un conflit provoqué par le consul du moment avec les celtibères (espagnols), Scipion fait preuve tant de ses talents de commandant que de guerrier lors de la prise d’une ville proche de Numance. Le siège de Numance elle-même est passablement ignoré, malgré l’importance historique indéniable de cette terrible bataille de l’histoire de Rome. Une nouvelle ellipse plus tard, suit un chapitre dans lequel Scipion et son garde du corps et ami de toujours malheureusement affublé du charisme d’une palourde trop cuite (ou pas assez), se rendent à Carthage afin d’y mener une opération d’espionnage et dresser des plans de la ville dans l’optique d’une future attaque, jaugeant également la menace représentée par la cité africaine. Une fois cette scène passée, une nouvelle ellipse nous amène à la fin du siège de la ville, déjà affaiblie et affamée. Les derniers préparatifs sont effectués, les soldats prêts, puis nous suivons l’assaut final et la prise de la cité enfin réduite en cendre.
Disons-le tout net, cette histoire est fort mal racontée, et voici pourquoi :
En premier lieu, de NOMBREUSES répétitions sont à déplorer, et si la première fois j’ai été intéressé de lire les dialogues exposant les contraintes imposées par le Sénat de Rome, le fait que Scipion Emilien s’en plaigne encore et encore a rapidement achevé de me montrer ce personnage comme un geignard. Il est d’ailleurs à noter que son charisme en tant que héros de roman est tout simplement bas. Bon, dans un roman se voulant historique, je ne m’attendais pas un Druss la Légende, un Sorceleur ou un primarque (sifflote), mais le futur général de génie ayant aidé ses collègues consuls à s’emparer d’une ville dont le siège a duré pas moins de trois ans, c’est un véritable scandale. Bien trop souvent l’auteur se perd dans des dialogues inutiles et répétitifs visant à montrer que Rome se tire une balle dans le pied et que Carthage va bientôt être une menace. Bien trop souvent on s’escrime à tourner les pages en quête d’une scène d’action consistante pour au final ne retrouver que les pérégrinations mentales des protagonistes. Infiniment trop souvent, on nous pond des ellipses de plusieurs années (la première nous faisant passer d’un héros de dix-huit ans à un de trente-cinq, sans transition ni préavis). Les passages ne relevant pas de l’historique et
étant censés donner au roman quelque chose de romanesque (ba tiens…) s’avèrent fades et insipides tant les personnages secondaires (historiques et inventés) sont inintéressants. J’aurais aimé voir une réelle romance tragique entre Scipion et son amour interdit Julia. J’aurais aimé une amitié virile et pleine de gouaille entre Scipion et son garde du corps Fabius. J’aurais aimé qu’un livre portant la licence « TOTAL WAR » ait plus de quatre scènes de bataille faisant au total moins d’un dixième du livre ! Bon sang avec un sujet aussi passionnant le thème était facile à aborder sous de multiples angles alors POURQUOI David Gibbins fait-il le choix de nous montrer une histoire aussi chiante ?! Parce que oui, disons-le, ce livre présente plusieurs scènes relativement intéressantes mais qui constituent des exceptions ; Détruire Carthage est chiant.
Je le dis sans m’emporter, regrettant d’user de ce mot vulgaire, navré d’en arriver à cette conclusion, mais on a ici la très bonne preuve qu’un thème passionnant mais très mal raconté ne peut pas faire de miracle, ce qui est d’autant plus navrant que le livre est très bien écrit.
En effet, si la façon dont la mise en scène est faite s’avère déplorable, je n’ai rien trouvé à reprocher à ce livre en terme de style littéraire. Bien écrit, fluide, intelligemment formulées, les phrases sont la plus grande qualité de ce livre par ailleurs traduit sans accroc par Béatrice Guisse-Lardit. Puisque nous en sommes aux qualités, je ne peux passer sous silence plusieurs analyses intéressantes sur la stratégie commerciale agressive de Carthage riche en détails sans jamais être ennuyeuses. Là est le problème : plusieurs des scènes intéressantes sont de simples détails servant de mise en contexte et d’apports d’information nous donnant une bonne idée du contexte général, mais jamais une scène de bataille n’est réellement palpitante. Au risque de me répéter, c’est la mise en scène qui pèche.
Quand on consacre un livre à nous présenter une cité comme une menace, on ne fait pas une introduction de 250 pages sur 429 ! Quand on prépare un assaut final, on se donne la peine de faire monter la tension entre les deux armées plutôt que de nous parler de rivalités politiques inutiles et retirant notre attention de la trame principale ! Quand on nous annonce une bataille finale, on se donne la peine de relater des combats pendant plus de dix pages ! Définitivement ce livre est une déception, où tout n’est pas jeter aux orties, mais qui ne trouvera pas son public chez les fans de vraie Fantasy (historique ou non).
En conclusion, Détruire Carthage est un ratage complet dans la mesure où il comporte la licence Total War sur sa couverture. De ces deux petits mots, on attend beaucoup : stratégie, batailles, combats individuels, tactique, intensité, rebondissements, suspense ! Que ce soit historique OU NON, c’est le minimum qu’on est en droit d’attendre, d’où le fait qu’on ait une succession d’ellipses, de dialogues répétitifs, de personnages plats, et de distractions inutiles n’apportant pas plus de profondeur que de complexité à l’intrigue. Sans ambages, je le dit, ce livre a été une torture à lire et j’ai dû me forcer pour le finir, ce qui ne m’arrive pas souvent. Si je devais lui mettre une note, ce serait un bon gros 5 sur 20. Je revendrais ce livre sous peu, je ne veux pas qu’il encombre ma bibliothèque.
Voilà, je dois paraître acerbe et peu objectif, je m’en excuse, mais avoir lu « ça » après les Chroniques de Nighshade achève de me donner envie de retourner lire un bon vieux Gemmell, un Horus Heresy, ou un même un manga. J’espère que la prochaine critique sera positive. Qui vivra lira, en attendant je vous laisse, et à vous les studios !
FARMACE RHAIDEN