Dans ce premier volume de Haut Royaume, Pierre Pevel construit les fondations d'un gigantesque univers de fantasy tout en nous plongeant dans une intrigue complexe et polymorphe avec un personnage central au cœur de toutes les attentions.
Emprisonné trois années à Dalroth après avoir été condamné pour trahison envers le Haut Royaume, Lorn Askariàn est finalement innocenté par le Haut roi et sera libéré par son ami d'enfance, le prince Alan.
Mais pour Lorn il sera difficile de répondre aux attentes que ses proches se font de leurs retrouvailles.
Son séjour dans les sombres geôles de la menaçante citadelle dressée au-dessus des flots sur un piton rocheux, l'a privés de tout ce auquel il tenait, plus encore il est désormais porteur d'un mal indicible et pernicieux, l'obscure.
Alors qu'il tente de reprendre pied dans ce monde pas si différent finalement que celui qu'il a quitté trois ans auparavant, ses repères n'en sont pas pour autant moins bouleversés.
Lorn a changé, d'un homme épris de justice et entièrement dévoué aux autres, ne reste qu'un fantôme entièrement tourné à l'accomplissement d'un acte de vengeance envers ceux qui l'ont trahis naguère et pour lesquels ils vouent une obsession qui l'isole des quelques soutiens dont il peut compter dans cette nouvelle vie.
Taciturne et électrique, Lorn est désormais aussi insaisissable et impalpable pour ses amis qu'un nuage gris dans le ciel obscurcissant pour certains les lumières d'une ambition naissante.
De son sillage pourrait bien naître de terribles orages annonciateurs de tempêtes à venir...
Quand le Haut Roi le convoque pour l'adouber Premier Chevalier du Royaume afin de restaurer l'autorité royale dans toutes les provinces, il nous apparaît très vite que tous les événements présents et antérieurs servent une manœuvre politique de grande envergure à laquelle Lorn serait une pièce maitresse.
Présenté dans un premier temps comme victime puis martyre, Pierre Pevel nous dévoile progressivement un personnage beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, un véritable anti-héros aux motivations moins convenues qu'elles n'y paraissent, laissant entrevoir un personnage plus maître de son destin qu'esclave des ambitions des autres.
Dans un style d'écriture simple mais relativement efficace, Pierre Pével réussit à nous faire rentrer rapidement dans ce qui annonce être une grande fresque épique à la manière d'un Game of Thrones ou d'une épée de vérité.
Si la première moitié du roman peut sembler un peu moins rythmé et souffre de quelques longueurs, elle est nécessaire à la mise en place du monde ainsi que de son histoire et de ses personnages. Pierre Pevel y installe le contexte dormant de son épopée tout en nous distillant des éléments-clefs à la dramaturgie à venir.
La deuxième partie du roman est particulièrement dynamique avec multiples rebondissement et autres scènes de bataille, les enjeux ainsi que les différentes intrigues se précisent tout en se complexifiant, nous livrant des vérités qui bousculent déjà nos certitudes initiales.
Car là est toute la force de Pierre Pevel, suggérer sans dévoiler, nous laisser penser que, pour finalement nous prendre à contrepied.
Ainsi, certains personnages, y compris Lorn, nous apparaissent tour à tour sous des jours différents nous garantissant dans les volumes à venir de multiples retournements de situations ainsi que des révélations jubilatoires.
Le chevalier est une fresque dense et riche avec ce qu'il faut de world building pour nous immerger dans cet univers épique afin d'appréhender tous les ressorts scénaristiques.
Plus que jamais "Haut Royaume" ressemble à une toile d'araignée dans laquelle Pierre Pevel nous amène à nous y piéger pour mieux nous y dévorer.
Le dernier tiers du roman est très bon avec un final particulièrement savoureux et traumatisant.
À l'instar de sa trilogie de Wielstadt qui adopte dans une certaine mesure les mêmes codes, il y a fort à parier que Pierre Pevel ne manquera pas de nous surprendre plus encore dans le second volume qui s'annonce d'ores et déjà comme l'un des plus gros événements littéraires de 2014.
À ce titre, j'ai le sentiment que l'une des plus grosses surprises que pourrait nous révéler Pierre Pevel pour ce second livre, serait le changement de point de vue héroïque au travers de la mise au premier plan d'un grand personnage secondaire du premier tome (qui a dit Alan -_- ), avec un Lorn nous dévoilant de plus en plus les facettes sombres de sa personnalité par l'influence grandissante de l'obscur dont il est le catalyseur.