La saga du Sorceleur du très talentueux et très polonais Andrzej Sapkowski, nous présente un univers riche et neuf, dont les bases ne sont pourtant pas sans rappeler les bons vieux contes de fées.
De prime abord, on est saisi par une plume aussi multiple qu’efficace ; le registre s’adapte à la perfection aux divers personnages, et nombre de mystères sont d’ores et déjà posés. Le Sorceleur, Geralt de Riv, est un tueur de monstre monnayant ses services.
Il ne s’attaque cependant pas aux créatures qui ne représentent pas de danger pour les humains, et parcourt divers royaumes pour proposer les services de son glaive d’argent. Rapidement, on sent les contes de fées mentionnés plus haut comme primordiaux, du moins, dans les premiers récits. Jamais Blanche Neige, la Petite Sirène, ou un génie de la lampe ne vous apparaitront de façon si frappante. Dangereux, glauques, souvent portés par un passé pour le moins peu enviable, on se voit absorbé par une succession d’intrigues qui, parfois, finissent bien, et d’autres, qui nous laissent en bouche une amertume écœurante.
Geralt est un héros que l’on est d’abord tenté de voir comme froid et calculateur, pour, au fil des récits, découvrir un homme bien plus sensible et noble que prévu. Rigoureusement honorable sans être niais, impitoyable sans être cruel, on se prend peu à peu d’affection pour le héros aux cheveux blancs avant de vouloir en apprendre plus sur les personnages qui jalonnent sa vie. Tout comme un certain Druss, il est parfois suivi par un poète et ami qui parle trop mais attire autant la sympathie que l’agacement selon la situation. Sa vie amoureuse est tumultueuse, et souvent, on aura l’occasion de constater que les femmes lui offrent le plus volontiers du monde leurs faveurs.
Mais passé le premier livre, des explications arrivent, des personnages que l’on croyait censés n’apparaître qu’une fois reviennent, et le récit s’étoffe. Difficile d’en dire plus sans gâcher l’histoire à ceux qui désirent la lire, alors parlons à demi-mots seulement. Des guerres éclatent, des espions se révèlent, des complots s’ourdissent, des magiciens et magiciennes s’affrontent, et des princesses apprennent l’art de l’épée. Enlèvement, traitrises, complots et carnages font prendre au récit un tournant nettement plus tragique et angoissant.
Le premier tome aurait pu donner l'impression que le sorceleur était un recueil de nouvelles réexplorant les contes de fées que nous connaissons tous. Au mieux, cette impression n’est vraie que pour un tome sur sept. On constate bien vite que le récit évolue dans une trame générale où les personnages que l’on continue de découvrir font des choix, pas toujours en bien d’ailleurs.
Le récit devient plus sombre encore, plus mature, et la guerre prend totalement le pas sur les créatures surnaturelles pourtant toujours présentes. Le vocabulaire même des livres présente parfois des répétitions notables (je ne compte plus le nombre de fois où l’expression « un horrible sourire » a été utilisée…), tout comme certains évènements échouent à marquer tant on sent que l’auteur tourne en rond sur certains passages qui restent cependant secondaires.
Car les défauts d’une manière générale sont trop inférieurs aux qualités pour que le texte soit une seule fois désagréable. L’unique faiblesse du sorceleur, est peut-être de mettre en branle une histoire quelque peu longue à démarrer, mais quiconque aura le courage de passer le premier tome qui nous laisse parfois sur une impression brouillonne constatera qu’il ne s’agissait que de ça, une impression.
En résumé : trame générale bien menée et surprenante autant qu’efficace ; personnages hauts en couleurs et assez nombreux pour faire des livres de cette saga un monde riche et vivant ; une histoire mature et souvent cruelle qui nous laisse haletant à la fin de certaines scènes ; en bref, la garantie de passer un bon moment. Fan de Gemmell, fan de fantasy en général, n’hésite pas une minute devant cette saga. Car si Gemmell était le roi de la Fantasy, Andrzej Sapkowski en est sans aucun doute le pape.
Farmace Rhaiden
C'est vrai qu'il n'écrit pas si mal que ça ce jeune homme